Emile
Bernard
Bernard voit travailler Vincent à l atelier Cormon
avant de le rencontrer chez le père Tanguy, leur marchand
de couleurs. Très rapidement, malgré leur différence
d âge - Bernard a 20 ans - ils deviennent très
proches, et Bernard vient souvent passer ses soirées
à l appartement de la rue Lepic.
En septembre, ils travaillent ensemble à des portraits
du père Tanguy.
En novembre, l exposition au "Grand Bouillon"
regroupe Anquetin, Bernard, Lautrec, Koning, Guillaumin, les
Pissaro...
Suite à une lettre de Bernard qui se dit déprimé
et isolé, Vincent écrit à Théo :
« Bernard est au fond un tel tempérament ! il est
quelquefois fou et méchant mais certes ce n est
pas moi qui ai le droit de le lui reprocher cela, parce que
je connais trop moi-même la névrose, et je sais
que lui ne me reprocherait pas non plus ».
Emile Bernard - Autoportrait
Quand Vincent est en Arles, il invite Bernard à venir
le rejoindre. Ils correspondent souvent et échangent
des Suvres et des réflexions théoriques sur
leur métier. Il est même question que tout un petit
groupe d artistes le rejoignent.
De Pont Aven, Vincent reçoit un portrait de Gauguin avec
dans le fond celui de Bernard et vice-versa.
Septembre
86
Vincent travaille à l atelier Cormon.
Janvier
87
Pendant qu'il fait le portrait de Tanguy, il rencontre
Bernard qui l'avait vu à l'atelier Cormon.
Deviennent amis avec Bernard.
Par l intermédiaire de Bernard, il rencontre Anquetin,
puis Signac.
Septembre
:
Travaille avec Bernard à des portraits du père
Tanguy.
Portrait de Tanguy par Emile Bernard
Portrait de Tanguy par Vincent
.
Avec Anquetin et Bernard, ils visitent le grenier de Bing où
ils fouillent dans le tas de 10 000 crépons
"J y ai moi-même appris, et j ai fait
apprendre à Anquetin et Bernard".
Visite ensemble Guillaumin. Vincent, Bernard et Anquetin se
fréquentent beaucoup, l'idée de l exposition
des impressionnistes du petit boulevard naît de leurs
discussions.
Il se rend souvent à Asnières chez Bernard et
peindront ensembles des vues du pont d'Asnères et des
paysages de bords de Seine avec leurs guinguettes.
Pont
d'Asnières par Bernard et Vincent
Novembre
:
Exposition au Grand Bouillon : 50 à 100 Suvres de
Vincent. Y participent : Anquetin, Bernard, Lautrec, Koning,
Guillaumin...
Seurat venu voir l exposition, rencontre Vincent.
13
décembre :
Bernard se dispute avec Gauguin sur les questions artistiques.
Il reproche à Gauguin de s'attribuer le Cloisonnisme
qu'il a théorisé.
Fin
février 1888 :
Vincent part pour Arles.
Le jour avant son départ, avec Bernard, ils refont l'accrochage
dans l'appartement de Theo.
480 mai 88
Vincent loue la "Maison Jaune" pour accueillir ses
amis peintres.
J ai loué l aile droite de la bâtisse
qui contient quatre pièces ou plutôt deux avec
deux cabinets.
Mon désir sera de meubler une pièce pour y coucher.
Cela restera l atelier, le magasin pour le temps de la
campagne ici dans le Midi, et alors j ai mon indépendance
avec les chicanes des hôtelleries qui sont ruineuses et
qui m attristent.
J ai l intention d inviter Bernard et d autres
à m envoyer des toiles pour les montrer ici si
l occasion se présente, et certes, elle se présentera
à Marseille.
Il peint une nature morte pot et fruits proche de celle de Bernaard
19
mai 88
"Bernard m a écrit et envoyé des croquis".
"Vincent qui a aussi reçu des sonnets de Bernard
lui écrit qu il fallait qu il les travaille
un peu plus.
Croquis de Bretonnes
481 mai 2 88
"Je voudrais faire des albums de six ou douze, comme les
albums de dessins originaux japonais.
J ai grande envie de faire un tel album pour Gauguin et
pour Bernard".
Lettre
à Bernard, mai 88
"Mon cher copain Bernard,
(....) J'ai enfin vu la Méditerranée, laquelle,
il est probable, tu franchiras avant moi. Ai passé une
semaine à Saintes-Maries, et pour y arriver ai traversé
en diligence la Camargue avec des vignes, des landes, des terrains
plats comme la Hollande. Là, à Saintes-Maries
il y avait des filles qui faisaient penser à Cimabue
et à Giotto, minces, droites, un peu tristes et mystiques.
Sur la plage toute plate, sablonneuse, de petits bateaux verts,
rouges, bleus, tellement jolis comme forme et couleur qu'on
pensait à des fleurs. Un seul homme les monte, ces barques-la
ne vont guère sur la haute mer. Ils fichent le camp lorsqu'il
n'y a pas de vent et reviennent à terre s'il en fait
un peu trop.
Il paraît que Gauguin est toujours, encore, malade.
Je suis bien curieux de savoir ce que tu as fait dernièrement;
moi, je fais toujours, encore, du paysage, ci-inclus croquis
(voir le croquis des barques). J'aurais bien envie de voir l'Afrique
aussi, mais je ne fais guère de plan fixe pour l'avenir,
cela dépendra des circonstances.
Ce que je voulais savoir, c'est l'effet d'un bleu plus intense
dans le ciel.
Fromentin et Gerôme voient le terrain du Midi incolore
et un tas de gens le voient tel. Mon Dieu, oui, si vous prenez
du sable sec dans votre main, si vous allez regarder cela de
près, l'eau aussi, l'air aussi considérés
de cette façon sont incolores. Pas de bleu sans jaune
et sans orange, et si vous faites le bleu, faites donc le jaune,
l'orange aussi, n'est-ce pas ! Enfin, tu vas me dire que je
ne t'écris que des banalités.
Poignée de main en pensée,
t. a t., Vincent."
A
Bernard, 25 juin
Bernard est un peu déprimé
" J ai eu une lettre de Bernard qui dit qu il
se sent bien isolé, mais qu il travaille tout de
même".
"Tu fais très bien de lire la Bible & La névrose
artistique. Car l étude du Christ la donne inévitablement
surtout dans mon cas où c est compliqué
par le culottage de pipes innombrables".
A
Bernard, début juillet
"Je suis si éreinté par le travail, que le
soir, je suis comme une machine détraquée, tellement
la journée en plein soleil m a fatigué".
"Je suis bien mécontent de ce que j ai fait
ces jours-ci, car c est très laid. Et pourtant
la figure m intéresse bien davantage que le paysage.
Dessin du zouave (très laide). Faire des études
de figures pour chercher et pour apprendre, ce serait pour moi
le plus court chemin de faire quelque chose qui vaille.
Juillet
Il ne sait si Gauguin va venir et espère que Bernard
ou Vignon ou un autre le rejoindra.
"Si je suis seul, j ai alors moins le besoin de compagnie
que celui d un travail effréné, et voilà
pourquoi hardiment je commande toiles et couleurs. Alors seulement
je ressens la vie, lorsque je pousse raide le travail".
A Bernard 10 mi-juillet
"Ai fait de grands dessins à la plume, une immense
campagne plate, vue à vol d oiseau du haut d une
colline des vignes, des champs de blé moissonnés.
Tout cela multiplié à l infini, détalant
comme à la surface de la mer vers l horizon borné
par les monticules de la Crau. Ça n a pas l air
japonais, et c est la chose la plus japonaise réellement
que j ai faite ; un personnage microscopique de laboureur,
un petit train qui passe dans les blés 1424 ; voilà
toute la vie qu il y a là-dedans.
L ami peintre qui trouve que ce serait embêtant
à faire et la marin qui trouve que c est plus beau
que la mer puisque habité".
A
Bernard, 2eme quinzaine de juillet.
"Tu verras des motifs de cette nature qui inspire le père
Cézanne. (la Crau)
la Camargue est plus simple, car souvent il n y a plus
rien que de la mauvaise terre avec des buissons de tamarins
et des herbes dures qui sont à ces maigres pâturages
ce que l alfa est au désert. J ai pensé
que ces croquis de Provence pourraient te faire plaisir.
Moi aussi j aime bien le pays qu ils ont aimé
tant et pour les mêmes raisons de couleur, de dessin logique.
Involontairement les Suvres forment « groupe »,
série.
Il y a aussi que les difficultés matérielles de
la vie du peintre rendent la collaboration, l union des
peintres désirable. L union n existant que
très peu, nous naviguons sur la haute mer dans de petites
et méchantes barques, isolés sur les grandes vagues
de notre temps".
A
Bernard
"J aime beaucoup l allée de platanes
au bord de mer. Je viens d acheter une petite eau forte
d après Rembrandt, une étude d homme
réaliste et simple. On dirait un Degas pour le corps
vrai et senti dans son animalité.
Que
veux-tu, je suis si peu excentrique, une statue grecque, un
paysan de Millet, une femme nue de Courbet ou Degas, ces perfections
calmes et modelées font que bien d autres choses,
les primitifs comme les japonais, me paraissent de l écriture
à la plume.. Cela m intéresse infiniment,
mais une chose complète, une perfection nous rend l infini
tangible ; et jouir d une belle chose, c est comme
le coït, le moment de l infini.
Connais-tu un peintre nommé Vermeer, sa palette est étrange
: bleu, jaune citron, gris perle, noir, blanc. Son arrangement
jaune citron, bleu pâle, gris-perle, lui est aussi caractéristique
que le noir, blanc, gris, rose l est à Vélasquez.
Ces Hollandais-là n avaient guère d imagination
ni de fantaisie mais énormément de goût
et la science d arrangement.
Rembrandt derrière ce vieillard qui a une ressemblance
avec lui-même peint un ange surnaturel au sourire à
la Vinci. Rembrandt n a rien inventé et cet ange
et ce Christ étrange, c est qu il les connaissait,
qu il les sentait là. Rembrandt travaille avec
les valeurs de la même façon que Delacroix avec
les couleurs".
514
29 juillet
" J ai reçu de Bernard dix croquis comme
son bordel, il y en a trois à la Redon, enthousiasme
qu il a pour cela que je partage pas trop".
A
Bernard, 13 juillet
"Pas une idée complète de Vélasquez
ou Goya de ce qu ils étaient comme hommes et comme
peintres, car ni toi, ni moi, n avons vu l Espagne,
leur pays, et tant de belles choses qui sont restées
dans le Midi.
Aussi difficile de dire quelle est la couleur de Rembrandt que
de donner au gris de Vélasquez.
J ai peut-être mieux que bien des français
eux-mêmes, senti Delacroix et Zola pour lesquels ma sincère
et franche admiration est sans bornes.
Delacroix procède par les couleurs, et Rembrandt par
les valeurs mais ils s équivalent.
Zola et Balzac en tant que peintres d une société
causent à ceux qui les aiment, des émotions artistiques
rares, par cela même qu ils embrassent le tout de
l époque qu ils peignent.
Cherches-tu à exprimer le tout de ton époque.
Eugène Delacroix qui avait un soleil dans la tête
et un orage dans le cSur. Daumier est un grand génie
aussi. Millet encore un peintre d une race entière
et des milieux où elle vit.
Possible que les grands génies soient des toqués
et que pour avoir foi et d admiration pour eux, il faille
également être toqué. Cela serait, je préfèrerai
ma folie à la sagesse des autres.
Aller directement à Rembrandt est peut-être le
chemin le plus direct. Frans Hals n a fait que des portraits,
rien, rien que cela. C est beau comme Zola, et plus sain
et plus gai, mais aussi vivant, parce que son époque
était plus saine et moins triste... Rembrandt, c est
la même chose, un peintre de portraits... La peinture
de l humanité, par le simple moyen du portrait.
Cela d abord et avant tout.
Baudelaire : qu il nous fiche la paix quand nous parlons
peinture. C est des mots sonores, et puis d un creux".
A
Bernard, août
"Gauguin me rejoindra sous peu. tes toiles de Bernard je
ne sais quoi de volontaire et de très sage, de fixe et
sûr de soi dont elles faisaient preuve. Jamais tu n as
été aussi près de Rembrandt, mon cher,
qu alors".
523,
fin août 88
Bernard a rejoint Gauguin à Pont-Aven.
538,
18 septembre
"Je ne crois pas qu il serait sage d offrir
immédiatement à Bernard 150 F pour un tableau
par mois. Pas aux mêmes conditions que Gauguin.
Je garde toutes les lettres de Bernard, elles sont vraiment
intéressantes".
"Bernard se sent timide devant Gauguin.Bernard est au fond
un tel tempérament ! il est quelquefois fou et méchant
mais certes ce n est pas moi qui ai le droit de le lui
reprocher cela, parce que je connais trop moi-même névrose,
et je sais que lui ne me reprocherait pas non plus".
544
1er octobre
"Bernard désire venir aussi. il lui propose un échange
avec eux quatre.
Nous nous mettrons à même de loger Bernard pour
rien.
Sa venue me changera dans ma façon de peindre et j y
gagnerai, mais tout de même je tiens un peu à ma
décoration.
545
octobre
Reçu portrait de Gauguin et celui de Bernard par Bernard
avec dans le fond le portrait de Gauguin et vice-versa.
A
Bernard, première quinzaine octobre :
Vincent a reçu deux portraits de Bernard.
"Une toile importante un Christ avec l ange
au Gethsémani, un autre représentant le poète
avec un ciel, je es ai détruites".
"J ai tant de curiosité du possible et du
réellement existant que j ai peu le désir
et le courage de chercher l idéal en tant que pouvant
résulter de mes études abstraites.
je mange toujours de la nature. J exagère, je change
parfois au motif ; mais enfin je n invente pas le tout
du tableau, je le trouve au contraire tout fait, mais à
démêler dans la nature".
Octobre
Bernard qui désire venir aussi à Arles lui propose
un échange avec eux quatre.
Vincent a peint une étude de bordel pour Bernard.
Octobre
Gauguin lui montre une toile de bretonnes de Bernard, Vincent
la trouve est très belle.
Il copie une peinture de Bretonnes d après Bernard.
Il refait ce tableau des bretonnes dans la prairie dans plusieurs
positions différentes. "Des figures modernes et
élégantes qui ont la grâce des sculptures
antiques".
A
Bernard, fin octobre
"Gauguin m intéresse beaucoup comme homme.
Nous nous trouvons en présence d un être
vierge à instincts de sauvage. Chez Gauguin le sang et
le sexe prévalent sur l ambition. Excursions dans
les bordels et il est probable que nous finirons par aller souvent
travailler là".
25
mai
"Ce que tu dis de la Berceuse me fait plaisir".
Il veut en offrir "un exemplaire pour Gauguin, un pour
Bernard".
Juin
"J'ai un paysage avec des oliviers et aussi une nouvelle
étude de ciel étoilé.
Lorsque tu auras vu ces toiles avec celle du lierre, mieux que
par des paroles je pourrais peut-être te donner une idée
des choses dont Gauguin, Bernard et moi ont quelquefois causé
et qui nous ont préoccupé ; ce n'est pas un retour
au romantique ou à des idées religieuses, non.
Cependant, en passant par Delacroix, davantage que cela ne paraisse,
par la couleur et un dessin plus volontaire que l'exactitude
trompe l Sil, on exprimerait une nature de campagne
plus pure que la banlieue, les cabarets de Paris".
20
novembre
"J'ai travaillé dans les vergers d'oliviers, car
ils m'avaient fait enrager avec leur christ au jardin, où
rien n'est observé. Bien entendu chez moi il n'est pas
question de faire quelque chose de la Bible - et j'ai écrit
à Bernard et aussi à Gauguin, que je croyais que
la pensée et non le rêve était notre devoir,
que donc j'étais étonné devant leur travail
de ce qu'ils se laissent aller à cela".
A
Bernard
"Pins ravagés contre un ciel rouge, orange, jaune
- des tons purs et éclatants3
"En t écrivant je regardais la toile je me
disais que ce n'est pas ça. Alors j'ai pris une couleur
qui paraît sur la palette du blanc mat et sale qu'on obtient
en mélangeant du blanc, du vert et un peu de carmin.
Ce ton vert je l'ai sabré sur tout le ciel et voilà
qu'à distance cela attendrit les tons en les rompant
et pourtant il semblerait que l'on gâte et salit la toile.
Le malheur et la maladie ne font-ils pas cela de nous et de
notre santé, et ne valons-nous pas mieux tels que dans
la fatalité le grand sort nous emporte, que sereins et
bien portants selon nos propres idées et désirs
vagues de bonheur possible.
Quelques uns de mes tableaux, lorsque je les compare à
d'autres, portent bien la trace que c'est un malade qui les
peint et je t'assure que je ne le fais pas exprès. Mais
c'est malgré moi à des tons rompus qu'aboutissent
mes calculs".
Mercredi
5 décembre
D'après Vincent, Gauguin veut continuer l opposition
qu il avait eu avec Bernard à Pont Aven. Il a repris
la théorie du « cloisonnisme » de Bernard
et se l est appropriée.
mai
"Echanges Gauguin et Bernard du paysage des Alpines, il
y en a deux".
Dimanche
6 juillet
Ce dimanche se passe mal
Vincent voit Aurier, Bernard, Lautrec.
9
juillet
Vincent cherche un atelier à Auvers.
"Je peux avoir un logement, trois petites pièces
à 150 f par an, si je ne trouve pas mieux, et j'espère
trouver mieux, en tous cas préférable au trou
à punaises chez Tanguy et d'ailleurs j'y trouverais un
abri moi-même et pourrais retoucher les toiles qui en
ont besoin. De telle façon les tableaux s'abîmeraient
moins et en les tenant en ordre la chance d'en tirer quelque
profit augmenterait. car - je ne parle pas des miennes - les
toiles Bernard, Prévot, Russell, Guillauminn, Jeanin
qui étaient égarées là, n'est pas
leur place".